Où l’on apprend que Moul Boul s’est décidé à reprendre la plume, que les éructations, si possible sonores et nombreuses, sont un rite de colocation dont le mystère est bien difficile à percer et que Radio Canada a plus d’un attrait dans sa poche.
C’est donc après une semaine de révisions intenses et un week-end de break pour laisser retomber la pression que je reviens vers vous, chers lecteurs orphelins de ma prose. La plume prodigue est de retour (T’as vu comment y se la pète celui là ? Il est vraiment gonflé d’écrire ça. Moi je vais juste consulter son blog parce que je reçois une somme d’argent chaque mois.)
J’ai arrêté ma décision dans la nuit de samedi à dimanche dernier, alors que mes yeux scrutaient avec intérêt l’opulente poitrine d’une petite blonde, et que mon esprit sous l’emprise de la vodka et du red-bull élaborait une théorie complexe sur le rapport entre ladite poitrine et l’air arrogant de sa propriétaire. Peut-être se sentait-elle simplement en confiance à l’abri derrière ses appendices mammaires, pourtant attaqués de toutes parts par des mains avides. Bref, tout ça pour dire qu’à mon sens, la trêve n’avait que trop duré. L’appel du clavier se faisait de plus en plus pressant.
Comme vous n’avez pas manqué de l’apprendre, je me suis donc présenté la boule au ventre au pied de la tour de Radio Canada, vendredi dernier aux alentours de 9h du mat’, afin que mes connaissances soient disséquées avec minutie. Oh, je n’y suis pas allé le canon sur la tempe, bien sûr, mais le bâtiment imposant et l’importance de l’événement à l’échelle de ma petite vie, avaient en soi un pouvoir paralysant. Je tiens à rassurer tout le monde, je n’ai pas gratifié le trottoir jouxtant l’édifice, d’un hommage vomi et nauséabond. J’ai grandi depuis le bac et des épreuves, exams et autres contrôles, j’en ai passé. A ceci près que d’habitude, je disposais de plus d’une semaine pour intégrer l’ensemble d’une culture.
Le message sur mon répondeur m’indique que je dois me présenter au 22ième étage. Après avoir décliné mon identité à l’accueil et passé avec succès le test du « regarde moi que je te sorte mon regard le plus soupçonneux, si tu trembles et que tu sues, c’est que t’es pas net », les portes de Radio Canada s’ouvrent enfin à moi (j’aurais peut-être du profiter plus de l’instant, je ne sais pas s’il se reproduira de sitôt). J’emboîte le pas à un présentateur télé à qui il suffit de lancer du « Chantal ma biche, tu es resplendissante » pour arriver au même résultat. La rançon de la gloire en quelque sorte. C’est noté, pour devenir une star du petit écran, il faut mentir. La Chantal en question n’a rien de resplendissant et est plus proche de la bûche que de la biche.
Je poursuis ma course et me retrouve au centre du hall immense d’où partent six ascenseurs, dont aucun ne dessert les mêmes étages. Il faut savoir que se rendre à destination du premier coup à Radio Canada, c’est comme jouer à la grille difficile du Sudoku du vendredi dans 20 Minutes. Après déduction, division, multiplication, j’enlève trois et je retiens quatre, je finis par trouver celui qui me conduira à destination. Une douce musique d’ascenseur se fait entendre. Le voyage est agréable, mais de courte durée. Me voici déjà face au bureau de mon interlocutrice, très accueillante et souriante. Le bourreau peut parfois se parer de charmant atours. Elle me conduit dans la pièce où durant trois heures je devrai répondre aux multiples questions sur l’actualité québécoise, internationale, l’économie, l’immigration puis corriger des kilomètres de phrases sans queue ni tête. Et là, le spectacle est assez incroyable ! Le bureau où je vais être enfermé est doté d’une baie vitrée immense et domine le pont Jacques Cartier et le Saint-Laurent, dans le lit duquel subsistent encore quelques blocs de glace. Le soleil est encore rasant à cette heure de la matinée et lèche la structure métallique de l’imposant ouvrage. Une pensée me frappe de plein fouet : il faut que je travaille ici. Je détache, à regret, mon regard de ce spectacle pour me plonger dans les pages du questionnaire Si je veux bosser ici, je dois en passer par là. Alors je m’y mets…
Le miracle n’a pas eu lieu. Sans être catastrophique, mon questionnaire recèle de grosses lacunes sur tous les sujets qui touchent au Québec. Il faut dire que les questions sont plutôt vicelardes pour un jeune immigrant comme moi. « Où se trouve le Centre canadien d’Architecture ?
- Mais qu’est-ce que j’en sais ? Pis (le Québécois dit toujours pis) en quoi ça va régler la question de l’engagement des forces canadiennes en Afghanistan, je vous le demande.
- Quel est le nom du Vice-président de Radio Canada, chargé des antennes francophones ?
- Putain, ça me rappelle de vieux souvenirs du Nouvel Obs (à toi aussi Cyril ? Le patron de l’Obs, ça serait pas Jean-François Kahn par hasard ?)
- Quel est le nom de la chaîne musicale de Radio Canada ?
- Putain, je suis sûr qu’il y a « musique » dedans »
Je sors de l’épreuve la bouche pâteuse et l’esprit embué, réoccupé par cette question sur la station de radio. J’aurai du m’attendre à ce genre de conneries. Je rentre dans l’ascenseur. Des hauts parleurs continue de s’épancher une musique douce et enveloppante. Je lève machinalement les yeux à la recherche de la source sonore. Mes yeux tombent nez à nez avec une plaque chromée proclamant « Vous écoutez Espace musique, la chaîne musicale de Radio Canada ». L’ironie de la situation m’a bien fait rire. Si le bonheur est dans le pré, la réponse est dans l’ascenseur.
Je devrais recevoir la réponse dans quelques jours. Mais déjà, je dois me concentrer sur un nouveau défi. Ma candidature a été retenue par La Presse et je passe un test en avril. Je dois également rendre un reportage sur une conséquence concrète du réchauffement climatique au Québec. Si une idée lumineuse vous traverse l’encéphale, je suis preneur.
Il s’en est passé des choses en un peu plus d’une semaine et je ne peux les conter toutes en quelques lignes. Néanmoins, un événement que je prenais au début pour une attitude vulgaire mais involontaire semble s’être mué en règle de vie au sein de la fabuleuse coloc dans laquelle je vis. Comme l’explicite assez bien le chapô, le rot semble donc être devenu un message de bienvenue après une dure journée de labeur. Mes charmantes co-payeuses de loyer (puisque au final c’est ce que nous sommes) ont la bien peu charmante habitude d’exprimer leurs émotions avec le ventre. Non sans un certain succès dans l’exécution. Depuis maintenant deux mois, je tente de percer le mystère de ces borborygmes d’un goût douteux. Tel Champollion penché sur la Pierre de Rosette, j’essaye de mettre sur pied une typologie complète qui me permette de déchiffrer ce langage bruyant et odorant. Mes heures acharnées de travail ne m’ont permis pour l’instant d’aboutir qu’à une seule conclusion. Elle a au moins l’avantage d’être certaine et de ne souffrir aucune contradiction théorique. Mes colocs sont d’une vulgarité consternante. Elles manquent également de finesse, puisque après avoir extériorisé les protestations de leur système digestif, fruit d’une nourriture visiblement trop riche, elles rendent astres et karma responsables de leur célibat. Qu’elles sont naïves…
Il est maintenant temps de conclure cette note, j’entend déjà d’ici les cris de protestation de Caro.
Deux petites choses encore.
1) Qui es-tu Fabienne ? Une nouvelle lectrice assidue conquise par le style implacable de ma plume ?
2) Si vous passez par Marseille, faites escale au bar des 5 avenues, je connais bien le nouveau barman. Dites lui que vous venez de ma part et il vous paiera la tournée du patron. L’offre n’est en revanche valable que pour les sympathisants de Ségolène Royal, le garçon étant plutôt chatouilleux sur le sujet. Ou alors, affichez votre Sarkozysme, votre Bayrouisme ou votre jemenfoutisme après avoir obtenu votre verre.